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Newsroom Press release

Déclaration d’Open Society Foundations sur les récents événements en Tunisie

NEW YORK — Open Society Foundations appelle le Président tunisien Kaïs Saïed à revenir sur les mesures draconiennes qu’il a annoncées le 25 juillet, notamment le gel de l’activité parlementaire et la prise du pouvoir judiciaire, violant ainsi le principe du contrepouvoir constitutionnel. Nous l’exhortons à garantir les libertés individuelles et collectives, et à se concerter avec les partis politiques et les acteurs de la société civile en vue de tracer une feuille de route qui mettrait fin aux crises politique, économique et sanitaire que traverse la Tunisie.

L’annonce du Président, qui fait suite aux protestations contre la mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19 par le gouvernement et l’aggravation de la récession économique, a été accueillie avec un certain soutien populaire, mais elle divise fortement la population dans un pays déjà polarisé. Bien que le Président ait justifié ses décisions par les pouvoirs que lui confèrerait l’article 80 de la Constitution s’appliquant aux situations de péril imminent, son annonce a été qualifiée d’anticonstitutionnelle par les principaux partis et experts en droit constitutionnel tunisiens, et constitue une rupture claire avec les normes démocratiques universelles. Il est également certain que cela entravera les efforts des autorités à juguler les pertes humaines et économiques dévastatrices de la pandémie de COVID-19.

Si l’inefficience du gouvernement dirigé par le Premier ministre Hichem Mechichi, démis par le Président, est l’une des raisons du soutien populaire dont bénéficie ce dernier, elle n’est cependant pas le seul élément déclencheur des récents troubles en Tunisie. L’impasse politique engendrée par le conflit de pouvoirs entre la présidence, le parlement et le gouvernement au cours de l’année dernière a empêché de faire face aux problèmes auxquels est confronté le pays. La concentration des pouvoirs des exécutif, législatif et judiciaire dans les mains du Président — même provisoirement comme le prétend le Président Saïed — est une forme d’autoritarisme qui, au lieu d’être initiatrice de réformes, pourrait devenir source d’instabilité.

Il est encore temps pour la Tunisie, comme elle l’a fait dans le passé, de trouver un moyen inclusif et démocratique de sortir de la crise actuelle et de présenter une feuille de route pour traiter les problèmes les plus urgents pour les Tunisiens, notamment la lutte contre la pandémie de COVID-19, et la relance économique. Pour ce faire, les libertés durement acquises après les révoltes de 2010-2011 doivent être garanties. Le Président Saïed devrait s’abstenir de prendre des mesures récriminatoires arbitraires contre ses rivaux politiques. Les menaces voilées qu’il a proférées à l’encontre de membres du parlement, dont il a levé l’immunité parlementaire, et la descente de police dans les bureaux de la chaîne d’information Al Jazeera à Tunis sont les premiers signes d’une dérive autoritaire. L’indépendance de la justice et la liberté des médias doivent être garanties, le travail du parlement doit pouvoir se poursuivre sans entrave et les acteurs politiques doivent travailler avec la société civile pour trouver une issue à la crise actuelle dans le respect de la constitution.

Nous appelons également la communauté internationale à inciter les acteurs politiques tunisiens au dialogue et à condamner la démarche du Président Saïed pour ce qu’elle est : un coup de force qui portera inévitablement préjudice au peuple tunisien et anéantira les espoirs de démocratie dans une région instable. Cela devrait inclure — au cas où le Président Saïed poursuivrait dans la même direction autoritaire — de qualifier ses actions d’illégales et d’inconstitutionnelles et de prendre les mesures légales appropriées.

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