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La France, en guerre contre la contestation sociale

Un manifestant fait face à un agent de police
Un manifestant affronte un policier lors de manifestations près des Champs-Élysées, le 2 mars 2019, à Paris, France. © Kiran Ridley/Getty Images

Les larmes aux yeux, Vanessa Langard, une femme qui a participé à une manifestation contre la politique du gouvernement français sur les Champs-Élysées, se souvient avoir été touchée par un projectile « flash-ball » tiré par un policier. Après plusieurs interventions chirurgicales, Vanessa a presque perdu l’usage de son œil gauche. Elle souffre également de troubles de la mémoire et de stress post-traumatique.

L’événement avait été organisé par les gilets jaunes, un mouvement hétéroclite et sans chef de file de citoyens, majoritairement blancs et issus de milieux populaires, qui réclament plus de justice économique. Selon certains, ce mouvement a été récupéré par les forces d’extrême droite et d’extrême gauche. Après que des participants violents ont lancé des briques sur la police sur les Champs-Élysées et saccagé l’Arc de Triomphe, l’attention des médias du monde entier s’est tournée vers les gilets jaunes. Peu de temps après, Paris a connu un afflux important de policiers. Les affrontements entre la police et les manifestants ont donné lieu à plus de 2 000 personnes gravement blessées selon les estimations.

Vanessa Langard est en vedette dans le documentaire Gilets jaunes : une répression d’État réalisé par le portail d’information indépendant StreetPress, qui s’adresse à un public de jeunes. Le film analyse la façon dont le gouvernement du président français Emmanuel Macron utilise des tactiques de plus en plus autoritaires pour contrer les protestations — y compris le recours à des agents de la Brigade anti-criminalité (BAC) qui sont normalement chargés de perquisitions liées à la drogue ou au terrorisme, pour réprimer les manifestations en ville avec un arsenal toujours croissant d’armes dangereuses.

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En mars, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a appelé à une enquête complète sur l’usage excessif de la force utilisée par la police française contre les manifestants. Cependant, en plus de réagir par un afflux de policiers, le gouvernement français a introduit une législation sévère donnant à la police le pouvoir de fouiller les manifestants et de leur interdire de se couvrir le visage. Ce n’est que grâce au Conseil constitutionnel qu’une mesure particulièrement pernicieuse permettant à la police d’arrêter à titre préventif toute personne soupçonnée d’être un fauteur de troubles a été annulée. 

Les attaques contre la société civile en Turquie et en Russie sont bien documentées. Dans l’est de l’Europe, les gouvernements polonais et hongrois dissimulent à peine le démantèlement des acquis démocratiques durement obtenus. Pourtant, en Europe de l’ouest, la complaisance peut prendre racine lorsqu’il s’agit des libertés fondamentales ; nous les tenons pour acquises et lorsque la législation gouvernementale commence à les éroder discrètement, ou violemment, beaucoup d’entre nous n’arrivent pas à croire que cela est en train de se produire.

Le fait qu’une prétendue démocratie libérale éborgne des manifestants, accorde aux autorités des pouvoirs de fouille étendus, érige l’état d’urgence en fait permanent, arrête des journalistes et soit condamnée par les Nations Unies et Amnesty International, devrait aussi tous nous inquiéter. 

Si l’objectif du gouvernement est de réprimer les troubles, ces mesures répressives ont l’effet contraire. Le zèle excessif d’Emmanuel Macron a, par exemple, eu l’effet pervers de créer des dissidents politiques d’extrême droite, qui ne s’intéressent finalement pas aux libertés civiles, mais crient à la censure lorsque leurs opinions sont restreintes en ligne. Des vidéos largement partagées de certains de leurs membres blessés par des agents de l’État fournissent un contenu provocateur bien commode pour les collectes de fonds.

Il est possible à la fois de s’opposer à l’élément d’extrême droite des gilets jaunes et de dénoncer les brutalités policières dont ils ont été victimes.

La militarisation de la stratégie policière française n’est pas un phénomène nouveau, elle a été révélée au grand jour lors des émeutes des banlieues de 2005 et les Français musulmans et autres groupes marginalisés sont depuis longtemps victimes d’un harcèlement disproportionné de la part des autorités. Aujourd’hui, cependant, ce problème est sous le feu des projecteurs.

La législation anticasseurs qualifie la protestation d’« émeute » et, ce faisant, rend la majorité pacifique complice des actions de la minorité violente. La promotion de l’ordre public au détriment des droits et des libertés individuels doit être envisagée comme faisant partie d’une tendance mondiale plus large de régression démocratique et d’étouffement de la société civile qui doit être combattue à tous les niveaux.

Longtemps associée à son rôle de phare pour la liberté, la France s’égare en terres profondément antilibérales. Deux cent trente ans plus tard, la liberté et l’égalité fêtées le jour de la prise de la Bastille méritent d’être honorées.

StreetPress est bénéficiaire d’une subvention des Open Society Foundations.

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