Skip to main content

Réactions d’un média parisien aux attaques du 13 novembre

A crowd gathered by the Bataclan concert hall observes a minute of silence on November 16, 2015, for the victims of the Paris attacks. © Laurent Vu/Newscom

Le 13 novembre 2015, des attaques terroristes ont frappé Paris pour la deuxième fois en un an, tuant plus de cent personnes et faisant de nombreux blessés. Johan Weisz-Myara, fondateur du magazine en ligne StreetPress, décrit l’ambiance sur place à Paris et nous explique comment les médias peuvent organiser la résistance démocratique.

Peux-tu nous parler de l’atmosphère générale à Paris ces jours-ci ? Y a-t-il une différence avec la période qui a suivi les attaques à Charlie Hebdo et au supermarché casher en janvier dernier ?

Les attaques à Charlie Hebdo visaient certaines personnes pour des raisons bien précises, explicitées par les terroristes : les caricatures de Mahomet publiées à plusieurs reprises dans le magazine. Or, cette fois, tous les habitants de Paris et de banlieue étaient dans le viseur. Les gens se sentent touchés de façon plus directe : tout le monde connait quelqu’un ou connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui a été tué ou blessé lors des attaques. Aujourd’hui, à Paris et en banlieue, il y a un sentiment général de grande tristesse et de deuil, contrebalancé par une volonté très forte de s’accrocher à la vie, de rester ouvert et de soutenir ceux qui souffrent.

Une salle de concert très prisée, des restaurants et des bars à la mode dans un quartier de Paris jeune et multiculturel : à ton avis, pourquoi les terroristes ont ciblé ces endroits en particulier ?

Il faut éviter les interprétations hâtives. Les terroristes ont visé ces endroits pour une seule raison : ils avaient toutes les chances d’être pleins un vendredi soir. Un stade de foot, une grande salle de concert, des bars et des restaurants connus pour être toujours bondés, bref des endroits où les terroristes sont sûrs de toucher des foules. N’essayons pas de post-rationaliser les attentats comme une attaque contre les gens qui boivent du vin, qui écoutent de la musique ou qui ont un certain mode de vie. Le seul message, c’est que tous les Français sont visés.

N’oublions pas qu’en plus des attaques au Bataclan et dans les bars et restaurants du centre de Paris, une attaque de bombe humaines, potentiellement très meurtrière, avait été planifiée au Stade de France, où des dizaines de milliers de personnes de toutes origines et de tous milieux sociaux étaient rassemblées pour le match. Si les terroristes avaient pu pénétrer dans l’enceinte du stade, ça aurait été une tragédie de masse.

Un de tes journalistes était au Stade de France pendant les attaques. Quelle est l’ambiance dans les banlieues en ce moment ?

Comme dans le centre de Paris : tout le monde est triste, choqué, déprimé. Douze journalistes de StreetPress sont en ce moment en reportage à Paris et en banlieue. Ils me disent que l’atmosphère est aussi lourde et triste en banlieue qu’à Paris. Il n’y a pas de différence.

Les attaques terroristes de Beyrouth ont eu lieu quelques jours avant celles de Paris. Est-ce que les Parisiens se sentaient proches des Libanais quand la bombe a explosé à Beyrouth ?

Beyrouth, comme l'attaque de l’Université de Garissa au Kenya, où 147 étudiants ont été tués par des terroristes d’al-Qaeda, c'était loin dans l'imaginaire collectif. Avant le 13 novembre, on avait l'impression d'être épargnés et loin de ces attaques de masse. En France, nous n'étions pas préparés à vivre avec le risque d'un attentat qui peut se produire à tout instant. Mais franchement, notre société est pleine de ressources et je ne doute pas un instant que le corps social va se réorganiser rapidement dans ce nouveau contexte.

Qu’as-tu pensé de la couverture des attaques par les médias français ? Quelle doit être la responsabilité des médias dans de telles situations ? Comment est-ce que les attaques affectent vos choix éditoriaux à StreetPress ? 

Les grands médias ont bien assuré leur rôle : celui de fournir au public des informations et des faits, mais également de signaler à leurs lecteurs les hoax qui fleurissent dans ce genre de situations. A StreetPress, notre rôle, c’est d’abord d’exprimer le regard de notre génération sur le sujet ; c’est aussi d’être un lieu d’expression, pour nos lecteurs. C’est important, après cela, de s’exprimer, parler, témoigner …

Sur le plan éditorial, on a aussi fait le choix de ne prendre la parole que lorsque c’est nécessaire et que l’on a quelque chose à apporter. On a évité les réactions trop rapides sur les réseaux sociaux, on n’a pas non plus joué le jeu des radicaux ou de certains politiques, qui ont pris des positions scandaleuses, et sur lesquels on aurait pu taper. On a décidé de laisser les imbéciles dans leur coin !

Dans StreetPress, vous parlez du rôle des réseaux sociaux après les attaques. Peux-tu nous en dire plus ?

Dans les 24 heures qui ont suivi les attaques, les réseaux sociaux ont eu un impact très positif. Autour des endroits attaqués par les terroristes, la police avait bloqué les rues pendant deux ou trois heures. Du coup, les rescapés étaient comme pris au piège et vulnérables dans la rue. Alors les gens ont lancé le hashtag #PorteOuverte sur les réseaux sociaux pour signaler qu’ils étaient prêts à accueillir chez eux les rescapés des attaques, dont certains étaient blessés. Pour une fois qu’on joue collectif, ça mérite d’être signalé !

StreetPress est un média en ligne traitant de l’actualité des communautés marginalisées en France. StreetPress est soutenu par les Open Society Foundations.

Read more

Subscribe to updates about Open Society’s work around the world

By entering your email address and clicking “Submit,” you agree to receive updates from the Open Society Foundations about our work. To learn more about how we use and protect your personal data, please view our privacy policy.