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Q et R : Agir pour une démocratie plus représentative et participative en France

Une femme dépose son bulletin de vote pendant que d’autres attendent
Une femme dépose son bulletin de vote lors des élections présidentielles à Saint-Denis, en France, le 24 avril 2022. © Pierre Crom/Getty

En juin, les citoyens français se rendront aux urnes pour les élections législatives du pays Audrey Fortassin, directrice générale de l’ONG Tous Elus, nous parle des efforts de son organisation pour inciter les gens à voter, de l’importance de la diversité et du renouvellement, et de ses actions afin de renforcer la démocratie française après la pandémie de COVID-19.

Tous Elus est une association française créée en réaction à une abstention de vote massive, particulièrement chez les jeunes pendant les élections législatives de 2017. Qu’espériez-vous accomplir ?  

C’est vrai, 74% des jeunes n’ont pas été voter pour les législatives en 2017, alors même que de nombreuses initiatives citoyennes émergeaient, et que beaucoup de jeunes levaient l’étendard pour le climat, pour le féminisme, pour les luttes antiracistes. C’était incompréhensible à l’époque : comment ça se fait que les jeunes soient si politisés sur le terrain, mais en même temps refusent à ce point la politique ? 

L’abstention reste un sujet compliqué. Alors un groupe d’amis a décidé d’aller à la rencontre de jeunes, plus ou moins engagés, pour tenter de comprendre. Ces jeunes leur ont fait part de leur désintérêt pour la politique, qui n’était “pas pour eux,” surtout car ils ne se sentaient pas représentés par ceux qui prennent les décisions à leur place. 

Tous Elus a donc été fondé en 2018 en réponse à cette réalité, en se focalisant sur deux problématiques principales – la participation, et la représentation.  

Comment mobiliser une population désintéressée, pour qu’elle participe dans le processus démocratique?   

Pour que les citoyens se sentent concernés et impliqués dans le processus démocratique, il faut les sensibiliser, les mobiliser, et les former. Ces trois piliers guident le travail de notre association. On travaille avec beaucoup de jeunes dans des actions d’éveil à la citoyenneté, car plus l’engagement commence tôt, plus il a de chance de se perpétuer. Nous faisons aussi de la formation et de l’accompagnement politique – en faisant une sélection précise sur des critères socio-démographiques qui cherche à inverser la balance et pousser à une plus grande représentativité dans le programme.

De manière plus pragmatique, un citoyen non ou mal inscrit ne pourra pas aller voter. En réalité, la malinscription s’est avérée être la raison principale du taux d’abstention chez les jeunes en 2017. Nous venons de boucler une campagne, « Tous Inscrits », pour encourager et accompagner 2,5 millions de personnes – c’est bien mais ce n’est toujours pas suffisant pour permettre à chaque citoyen de voter. Le combat continue.

Pourquoi la représentation est-elle si importante dans une démocratie ? 

Il y a deux écoles : la première comprend ceux qui pensent que nos représentants doivent, justement, nous représenter, en ayant eu un certain vécu qui permet de mieux comprendre le terrain ; et les autres, qui trouvent qu’il faut juste que nos élus soient bien formés. Nous, on pense que les deux sont importants. Il est vrai qu’on entend beaucoup que les Français ne se sentent pas forcément d’aller voter pour des personnes qui ne sont pas en phase avec leur expérience. Qu’importe le vote, leur vécu sera le même. Il y a un vrai manque de confiance, qui signale un problème de représentativité, mais aussi plus profond et systémique.

Quand on gouverne, on le fait pour un ensemble de citoyens, et donc nécessairement avec de la diversité, de la complexité. Alors c’est surtout important qu’il y ait une plus grande diversité de voix présente dans les institutions. Une bonne démocratie présente une multiplicité de points de vue, des échanges, des débats, une richesse de dialogue qui permet une meilleure prise de décision.

C’est insensé en 2022 qu’il n’y ait pas par exemple plus de femmes, plus de jeunes, plus de minorités, plus d’ouvriers parmi nos élus – mais au-delà de ça, le renouvellement est fondamental pour éviter le cul de sac dans lequel on se trouve avec un trop grand nombre d’entre eux qui paraissent vraiment déconnectés de la réalité des français.

Que proposez-vous pour pousser à une plus grande diversité et un renouvellement des institutions politiques ?

Il y avait toute une effervescence à cette époque qui a globalement inspiré l’action de Tous Elus, et qui a co-construit la proposition qui a lieu encore aujourd’hui. Des mouvements comme le Sunrise ou celui qui a réussi à faire émerger des personnalités politiques dont Alexandria Ocasio-Cortez, aujourd’hui une icône internationale sur le sujet de la formation, nous ont montré que c’était possible.

Mais le contexte français est particulier. C’est un pays ou l’on a depuis longtemps prôné l’importance du parcours, et un certain élitisme dans les milieux politiques. Nombreux sont ceux qui encore aujourd’hui ne se pensent pas légitimes car ils ont été élevé ou travaillent dans un certain milieu. Ils ont juste besoin d’un petit coup de pouce pour voir qu’en fait, ce n’est pas vrai – on a le droit d’avoir des parcours atypiques.

C’est important que ceux qui ont envie de s’engager puissent le faire, et qu’ils sachent ou trouver ceux qui peuvent les accompagner. Les partis politiques ne font plus ce travail, et en 2017-2018, il n’y avait pas de structure qui faisait de la formation grand public – ce qui nous a poussé à développer le programme de formation « Pourquoi Pas Toi ».

Nous, on veut bousculer les codes de la formation par le format, les codes de la politique en mettant les pieds dans le plat en proposant des femmes, des ouvriers, des jeunes – formés et donc légitimes.

Quel espoir pour le futur ? 

Ce qui me motive le plus c’est de voir que cela fonctionne ! Les personnes qui passent dans le programme de formation s’émancipent, s’intéressent, se passionnent. Les jeunes ne sont plus apathiques, des qu’on commence à ouvrir un peu l’espace de dialogue, ils rentrent avec plaisir dans les débats, partagent leurs point de vue… parmi les près de 600 personnes que l’on a sélectionné et formé, il y en a quand même 50 qui ont présenté une candidature pour la première fois après seulement un an de réflexion et de formation à nos côtés.

Parfois il suffit juste d’un petit coup de pouce pour débloquer les freins de légitimité, techniques, et sociaux, en ouvrant des espaces de discussion et en accompagnant ceux qui le veulent se présenter mais n’auraient jamais osé. C’est comme cela qu’on pousse vers une démocratie plus diverse, plus représentative, et plus vivante. La vraie fierté viendra des résultats, et on verra ça dans quelques mois.

Tous Élus bénéficie de subventions de l’Open Society Foundations.

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