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La présence russe en France dépasse celle de Russia Today

A program is mixed and edited at RT France in Paris on January 9, 2018. © Francois Mori/AP

Le débat sur l’influence de Moscou n’est pas aussi intense en France qu’aux États-Unis, mais il crée néanmoins de nouvelles lignes de fracture dans l’opinion publique, en particulier autour du lancement, mi-décembre, d’une version française de la chaîne Russia Today (RT). Une pétition publiée dans Le Monde, signée par des personnalités publiques, a par exemple demandé à ce que le CSA (Conseil Supérieur de l’audiovisuel) refuse la licence de diffusion à RT. D’autres personnalités ont répliqué que le gouvernement ne pouvait censurer un média simplement parce qu’il considère sa programmation « tendancieuse ».

Pourtant, la présence de la Russie en France va beaucoup plus loin que celle de RT. Comme je l’explique dans « Russian Soft Power in France: Assessing Moscow’s Cultural and Business Para-diplomacy », qui fait partie d’un projet de recherche soutenu par les fondations Open Society, les liens entre les deux pays sont le fruit de circonstances historiques anciennes, d’affinités culturelles et de principes communs. Sans être exhaustive, la liste qui suit esquisse cinq principes clés au travers desquels Moscou cherche à se présenter comme l’un des partenaires privilégiés de la France :

1. Par le biais des réseaux émigrés

Le Kremlin a cherché à créer au sein des réseaux émigrés (l’émigration russe arrivée en France après les révolutions de 1917) une communauté susceptible de soutenir les intérêts de la Russie. Bon nombre des descendants de familles émigrées occupent des niches importantes au sein de l’élite culturelle française, ainsi que dans le secteur des affaires, assurant ainsi le lien entre les entreprises françaises et les marchés russes et, plus récemment, exhortant les décideurs politiques français à lever les sanctions prises à l’encontre de la Russie à la suite de l’annexion de la Crimée en 2014.

2. Par l’extrême droite et la droite traditionnelle

Alors que le Front National, premier parti d’extrême droite français, est depuis des décennies lié à la Russie, ce n’est qu’après la nomination de Marine Le Pen à sa tête en 2011 que le parti s’est imposé comme une voix nettement pro-russe sur la scène politique française. Et pourtant, ce sont peut-être les liens entre Moscou et Les Républicains, représentant la droite classique, qui sont les plus importants. Au sein des Républicains en effet, plusieurs groupes affichent des positions clairement pro-russes ; autour de l’ancien premier ministre François Fillon notamment.

3. Par l’Église orthodoxe russe

L’Église orthodoxe russe représente un autre élément important de cette présence russe en France. En 2007, la réconciliation canonique entre le Patriarcat de Moscou et l’Église orthodoxe russe hors Russie a permis à Moscou de reprendre le contrôle de plusieurs paroisses émigrées. Elle n’est cependant pas parvenue pleinement à ses fins et plusieurs paroisses ont réussi à éviter cette reprise en main, en particulier celles relevant du Patriarcat de Constantinople.

Globalement, l’année 2016 a été une année de succès pour le Patriarcat de Moscou et le Kremlin, avec l’inauguration de la nouvelle cathédrale orthodoxe et du nouveau centre culturel à Paris, le plus grand d’Europe. Son existence même confirme la puissance affirmée de la Russie au cœur de l’Europe occidentale.

4. Par la droite catholique française

La nouvelle sphère politique et culturelle française sur laquelle la Russie a tout dernièrement gagné en influence est celle de la droite catholique. Après avoir été marginalisée pendant des décennies, la réapparition de cette droite catholique est un phénomène relativement nouveau sur la scène française, qui a pris de l’ampleur lors des campagnes contre le mariage homosexuel de 2013-2014. La guerre civile syrienne et la crise des réfugiés sont venues consolider ce lien ténu entre les cercles religieux de Russie et de France, qui se présentent tous deux comme les défenseurs des chrétiens d’Orient.

5.  Par un intérêt commun pour le « souverainisme » 

Aussi bien en Russie qu’en France, de larges segments de la population entretiennent une vision du monde que l’on peut définir comme « souverainiste ». Politiquement parlant, cela se traduit par la volonté de privilégier les intérêts de l’État-nation sur ceux de l’Union européenne et des institutions transnationales. Économiquement parlant, il s’agit d’appuyer une politique commerciale « protectionniste » plutôt que « mondialiste ». Culturellement parlant, ce souverainisme peut-être synonyme d’hostilité à l’égard des immigrants et de respect des valeurs dites traditionnelles. Si la gauche française est généralement dédaigneuse de ces inquiétudes culturelles, elle peut être sympathisante avec les opinions souverainistes de Moscou en matière de politique et d’économie.

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